Premières législatives en Colombie avec la Farc sans armes

  10 Mars 2018    Lu: 1373
Premières législatives en Colombie avec la Farc sans armes

Pour la première fois en plus d’un demi-siècle de conflit armé, la Colombie renouvelle son Parlement dimanche sans la menace des ex-rebelles Farc, dont certains sont candidats, et à la faveur d’un cessez-le-feu temporaire de l’ELN, dernière guérilla du pays.

Les Farc sont désormais un parti. Avec l’accord de paix historique de 2016, la plus puissante guérilla d’Amérique a quitté la jungle pour l’arène politique.

Et bien que des pourparlers engagés avec l’Armée de libération nationale (ELN) soient au point mort, cette rébellion, apparue aussi en 1964, a annoncé une trêve unilatérale à l’occasion du scrutin.

Le gouvernement du président Juan Manuel Santos tente d’obtenir avec cette guérilla un pacte similaire à celui avec les ex-Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), devenues le parti de la Force alternative révolutionnaire commune, sous le même acronyme.

Dans un pays où l’abstention avoisine les 60%, ces législatives sont déterminantes pour la paix et pour la survie de la gauche.

Elles pourraient être l’antichambre du retour de la droite dure, qui agite le spectre de la crise vénézuélienne et du “castro-chavisme”, en promettant de modifier l’accord de paix.

- Début difficile –

L’ex-guérilla doit encore avouer ses crimes et dédommager ses victimes.

L’accord de paix établit un système de justice spécial qui devrait être opérationnel cette année et garantit à la Farc dix des 280 sièges du prochain Parlement, cinq dans chaque chambre.

Mais les ex-guérilleros doivent quand même se présenter dimanche. Aucun sondage ne les crédite d’un vote suffisant pour amplifier cette représentation.

“Ils ne vont sûrement pas obtenir les suffrages qu’ils espèrent, mais ce qui est en jeu pour la Farc c’est (…) la possibilité d‘évaluer son soutien dans la perspective de son véritable intérêt politique: les élections” des maires et des gouverneurs de 2020, a déclaré à l’AFP Carlos Arias Orjuela, politologue de l’université Externado.

La Farc a en outre cédé du terrain en se retirant jeudi de la campagne pour la présidentielle des 27 mai et 17 juin, son chef et candidat Rodrigo Londoño, alias “Timochenko”, ayant dû subir un pontage coronarien suite à un infarctus.

- Présidentielle en vue –

Avec les législatives, s’engage vraiment la campagne pour la présidentielle. Par leur vote, les Colombiens vont définir les candidats des futures coalitions.

L’ancien maire de Bogota et ex-guérillero du M-19 dissout, Gustavo Petro, est quasiment assuré de son triomphe à gauche, tandis qu’Ivan Duque part favori de la droite, sous le patronage du sénateur et ex-président Alvaro Uribe.

Tous deux sont en tête des sondages pour le 27 mai.

Alvaro Uribe s’annonce toutefois comme le grand vainqueur: non seulement il devrait conserver son siège parlementaire, mais il pourrait aussi devenir le leader de la majorité au Congrès et propulser Ivan Duque.

Si Gustavo Petro “va clairement l’emporter” dimanche en vue de la présidentielle, son parti “ne gagnera que trois ou quatre sénateurs”, a déclaré à l’AFP Juan David Cardenas, expert en communication politique de l’université de la Sabana.

- Le retour de la droite dure –

Après huit ans d’un gouvernement de centre-droit et d’un Parlement qui ont conclu la paix avec l’ex-guérilla communiste, la droite la plus opposée à cet accord pourrait prendre le contrôle du Congrès.

Tout porte à croire que “la droite forte” sera majoritaire, selon l’analyste Ariel Avila, de la fondation Paix et Réconciliation.

La droite semble en mesure de remplir l’espace laissé par le parti de La U qui soutenait M. Santos. Mais la majorité présidentielle s’est fissurée avec des scandales de corruption et elle ne présente pas de candidat en mai.

Le Congrès passerait donc sous le contrôle du Centre démocratique d’Alvaro Uribe et du parti Changement radical qui appuie German Vargas Lleras, ex-vice-président de M. Santos mais critique de l’accord de paix et candidat à la présidentielle.

La gauche, divisée et fuyant toute alliance avec la Farc, devrait seulement maintenir sa représentation actuelle.

- Corruption et discrédit –

La Colombie est un pays polarisé par l’accord de paix et le Parlement a perdu toute crédibilité avec 84% d’opinions défavorables, selon un sondage Gallup en décembre.

La justice enquête sur des dizaines de parlementaires pour corruption. Onze ont été déchus ou sont en prison. Les cas les plus graves relèvent de l’affaire Odebrecht, le groupe de BTP brésilien qui a versé des pots de vin dans 12 pays en échange de contrats.

Et environ 80 des 2.730 candidats sont soupçonnés de détournement d’argent public ou liés à des politiques condamnés pour leurs relations avec des paramilitaires d’extrême-droite, selon un rapport de Paix et Réconciliation. (AFP)


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