Grève générale sans précédent pour les femmes en Espagne

  08 Mars 2018    Lu: 1375
Grève générale sans précédent pour les femmes en Espagne

Grève de métro et de trains, piquets devant les grands magasins, stars de la radio et de la télévision absentes: l'Espagne se mobilise pour les droits des femmes, jeudi, avec une grève générale "féministe" sans précédent dans le pays.

L'appel lancé par une dizaine de syndicats concerne hommes et femmes et a pour but de défendre l'égalité salariale, de dénoncer le harcèlement ou encore la violence machiste. 

La mobilisation annoncée depuis des semaines a démarré mercredi à minuit par des concerts de casseroles dans le centre de Madrid. 

Les taux de suivi de la grève n'étaient pas connus à la mi-journée. Mais la principale manifestation était annoncée pour jeudi soir.

Trains annulés

Près de 300 trains ont été annulés et des perturbations étaient annoncées dans les métros de Madrid et Barcelone. 

La radio la plus écoutée par les Espagnols, la Cadena Ser, avait perdu ses voix féminines dans la matinée. Les stars des émissions matinales de télévision étaient aux abonnés absents. Et les femmes journalistes désertaient la rédaction du premier quotidien espagnol, El Pais.

Parmi un millier de personnes manifestant à la mi-journée devant l'hôtel de ville, Paula Biempica, employée de banque de 39 ans, disait faire grève pour la première fois de sa vie: "Beaucoup d'entre nous avons renoncé à des promotions pour nous consacrer à la maison et à la famille", disait cette mère de quatre enfants, reprochant au monde de l'entreprise de ne toujours pas permettre de concilier maternité et travail.

"Je suis étranglée", affirmait pour sa part Eva Ferrero, 38 ans, disant assurer un travail à temps partiel de femme de ménage payé 700 euros mensuels et passer le reste de sa journée à s'occuper de sa mère et de ses deux enfants.

Elle manifestait face à une grande enseigne commerciale de l'avenue Gran Via, où les grévistes appelaient exceptionnellement à ne pas consommer, afin de ne pas obliger vendeuses et caissières à travailler.

Des femmes employées à domicile, ne pouvant délaisser les personnes âgées et enfants dont elles s'occupent, avaient prévu d'accrocher symboliquement des tabliers aux balcons.

L'Espagne est cependant pionnière dans la lutte contre les violences faites aux femmes, s'étant dotée dès 2004 d'une loi spécifique contre les violences de genre, présentée comme un "modèle" par le Conseil de l'Europe.

En Espagne, les femmes sont payées en moyenne 14,2% de moins que les hommes, un peu mieux que la moyenne européenne (16,2%) selon Eurostat. 

Mais des débats passionnés s'y tiennent depuis des semaines, alimentés notamment par les déclarations de deux femmes ministres en faveur d'une grève "à la japonaise", expression espagnole signifiant "grève de zèle", qui a scandalisé la gauche.

Finalement le chef du gouvernement, le conservateur Mariano Rajoy, s'est démarqué de leurs propos mardi, assurant que l'égalité entre hommes et femmes dans le monde du travail était en tête de ses priorités.

La présidente conservatrice du Congrès des députés Ana Pastor a aussi défendu le droit de grève: "Il y a des hommes qui continuent à penser que les femmes étendent mieux le linge", disait-elle jeudi.

Le mouvement suivi par des célébrités

"Quand tu es femme et que tu obtiens un poste de responsabilité, comme moi la vice-présidence (du gouvernement), tu réalises qu'il reste encore bien des choses à changer car même les vice-présidentes du gouvernement doivent subir des comportements machistes inacceptables", a déclaré mercredi Soraya Saenz de Santamaria, numéro deux du gouvernement.

Dix syndicats, de même que le parti de gauche radicale Podemos, ont lancé cet appel à la grève générale, inspiré d'un mouvement similaire en Islande en 1975. 

Les deux premiers syndicats, Commissions ouvrières (CCOO) et Union générale des travailleurs (UGT), ont préconisé un arrêt de travail de deux heures, comme le Parti socialiste.

Le mouvement est aussi suivi par des actrices célèbres comme Penelope Cruz ou Rossy de Palma, égéries du cinéaste Pedro Almodovar qui, de film en film, a rendu hommage aux femmes espagnoles fortes et libérées.


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