Kosovo: 10 ans d’indépendance inachevée

  16 Février 2018    Lu: 1177
Kosovo: 10 ans d’indépendance inachevée
Le petit Etat enclavé des Balkans fête ce samedi 17 février ses dix ans d'indépendance. Mais une partie de la minorité serbe du Kosovo rejette toujours l'Etat kosovar et le conflit diplomatique avec Belgrade est récurrent. Le Kosovo, un état en devenir, une souveraineté toujours en chantier et une société encore divisée.

C’était il y a une semaine. L’hymne du Kosovo a résonné à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Une grande première : jamais le pays n’avait envoyé d’athlètes aux JO d’hiver. Des premiers pas qui n’ont pas vraiment été couronnés de succès : le skieur Albin Tahiri a fini dernier de l’épreuve du combiné. Peu importe pour Pristina : le symbole était là et le gouvernement l’a abondamment relayé à la télévision et sur les réseaux sociaux. Et pour cause : les couleurs jaune et bleu du pays dans l’enceinte olympique, c’est aussi pour le Kosovo un signe d’intégration dans le concert des nations.

Un signe rare : 23 pays sur 28 dans l’UE reconnaissent ce petit Etat enclavé, 115 dans le monde. C’est insuffisant pour siéger aux Nations unies. De toute façon, le pays bute sur un autre obstacle : les vetos chinois et russe. A chaque vote sur l’entrée dans une institution internationale, Moscou soutient Belgrade dans sa guérilla diplomatique contre son ancienne province. Le Kosovo n’est pas membre de l’Unesco et a retiré, il y a quelques mois, sa candidature à Interpol.

Une souveraineté à construire

Marginalisé dans les institutions internationales, le Kosovo a aussi une économie fragile et peu performante : près d'un habitant sur six vit sous le seuil de pauvreté (chiffres de son agence nationale). En difficulté économique, le Kosovo est encore dans les faits un Etat dont la souveraineté est à construire. C’est flagrant sur les dossiers régaliens comme la justice et la défense. La justice ? « Les magistrats et spécialistes de droit pénal notamment de l’Union européenne ne cesse d’aller au Kosovo pour assister le ministère de la Justice ou les tribunaux qui jugent les crimes et délits pour les aider, avec un objectif d’être en phase avec un standard européen, pour éviter autant que possible la corruption de la justice », explique Joseph Krulic, juriste historien et enseignant à l’université de Paris-Est.

La défense ? Là aussi le Kosovo est bien loin de pouvoir assumer seul. Joseph Krulic souligne : « Si vous avez 3 000 ou 5 000 hommes qui viennent d’une ancienne milice qui s’est battue en 1999 (NB: le conflit entre forces serbes et rebelles indépendantistes kosovars de l’Armée de libération du Kosovo, l'UÇK), vous ne pouvez pas protéger un Etat de 10 900 kilomètres carrés qui a théoriquement 2 millions d’habitants face à une armée qui pourrait compter 100 ou 200 000 hommes. Concrètement, la survie territoriale du Kosovo dépend d’une garantie de l’Otan ».

L’autorité de Pristina contestée

Sur son propre territoire, l’autorité de Pristina est aussi contestée et morcelée. 120 000 Serbes (une estimation puisque la minorité a refusé de se soumettre au dernier recensement en 2011) vivent dans ce pays d’1,8 million d’habitants. Quelque 120 000 personnes qui habitent souvent dans des enclaves ou bien vivent comme à Mitrovica : une ville encore coupée en deux par un pont entre Serbes et Albanais. Les tensions sont toujours là. Les assassinats aussi : le 16 janvier dernier, un dirigeant serbe kosovar était abattu de six balles à Mitrovica-Nord, la zone serbe de la ville. Faisant figure de modéré parmi les représentants de la minorité serbe, il était à 64 ans un des rares membres de sa communauté à parler l’albanais et a tenté de bâtir des passerelles entre les deux communautés. Quelques mois auparavant, Oliver Ivanovic alertait sur le climat de « danger et de peur ». Les habitants de Mitrovica-Nord ne «craignent pas les Albanais», déclarait-il: « Mais les Serbes, des brutes locales et des criminels qui se baladent en 4 × 4 sans plaque d’immatriculation ».

Il y a aussi la tentation de refuser que la justice passe. Il y a deux mois, des députés ont même tenté d’abroger le tribunal international chargé de juger les crimes de guerre imputés à l’UÇK : « Cette tentative n’est pas totalement avortée. L’amendement au Parlement n’a pas été retiré, il faudrait pour cela que les 43 députés qui l’ont initié retirent leur signature. Sauf que pour le moment on ne voit pas vraiment de pression politique pour que ça arrive. Les responsables de ce pays doivent comprendre qu’ils ont fait un pas dangereux, que le pays est mis lui-même dans une situation difficile : comment convaincre les institutions européennes après ce geste que Pristina est un partenaire fiable avec lequel on peut mettre en place une relation stable ? », raconte Natalia Apostolova, représentante de l’Union européenne au Kosovo.

Tout ces doutes sur la volonté de donner des gages éloignent encore la possibilité d'une intégration à l’Union européenne. Même la simple possibilité de visas pour voyager. La jeunesse de cet Etat enclavé qui se cherche un avenir se sent prise en otage par une classe dirigeante qui ne trouve pas le chemin de sortie de la crise politique et économique : la moitié des moins de 24 ans est au chômage. Aujourd’hui 700 000 Kosovars, près d'un tiers de la population a pris la route de l’exil et vit à l’étranger.


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