Le prix Nobel de littérature japonais Kenzaburō Ōe est mort à 88 ans

  13 Mars 2023    Lu: 2239
Le prix Nobel de littérature japonais Kenzaburō Ōe est mort à 88 ans

Le prix Nobel de littérature Kenzaburō Ōe, icône progressiste et anticonformiste japonaise, est décédé à l'âge de 88 ans, a annoncé lundi la maison d'édition Kodansha. «Il est mort de vieillesse aux premières heures du 3 mars», a dit l'éditeur dans un communiqué expliquant que ses funérailles ont déjà été tenues par sa famille. Figure intellectuelle à part au Japon, constant dans sa haute exigence morale, il était un ardent défenseur de la cause antinucléaire et de la Constitution pacifiste de son pays.

Kenzaburō Ōe grandit sur l'île méridionale de Shikoku, qui sera le décor principal de son œuvre romanesque, puis fait des études de littérature française. Il se gorge enfant des légendes subversives de son village que lui racontent sa mère et sa grand-mère. Mais sa jeunesse est noircie par la Seconde Guerre mondiale et la propagande mortifère du régime militariste nippon inculquée à l'école. Traumatisé par la capitulation du Japon après les bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki en 1945, il est cependant très rapidement conquis par les principes démocratiques apportés par l'occupant américain. Il connaît un succès précoce, avec des nouvelles aux sujets dérangeants et des personnages grotesques ou désaxés, miroir inconscient du malaise de la jeunesse japonaise de l'après-guerre.

Premiers grands succès
En 1958, il remporte le prestigieux prix Akutagawa récompensant de jeunes auteurs pour Gibier d'Élevage. Ce récit tragique mettant en scène un pilote afro-américain captif d'une communauté villageoise japonaise durant la Seconde Guerre mondiale sera adapté au cinéma peu après par Nagisa Oshima. La même année sort son premier grand roman, Arrachez les bourgeons, tirez sur les enfants, fable sociale sur des gamins d'une maison de correction livrés à eux-mêmes au Japon durant la guerre.

D'emblée, l'écrivain provincial décide de rester «à la périphérie», se promettant de ne jamais collaborer «avec ceux qui se trouvent au centre et ont le pouvoir». La naissance en 1963 d'un fils handicapé, Hikari («Lumière» en japonais), va bouleverser sa vie personnelle et donner une nouvelle impulsion à son œuvre. «Écrire et vivre avec mon fils se superposent et ces deux activités ne peuvent que s'approfondir réciproquement. Je me suis dit que ce serait sans doute là que mon imagination pourrait prendre forme», expliquera-t-il plus tard.

En 1964, avec Une affaire personnelle, il connaît son premier grand succès. Le roman, qui met en scène un jeune père confronté au choc de la naissance d'un bébé lourdement handicapé, jusqu'à envisager de le tuer. Ses Notes d'Hiroshima (1965) sont un recueil de témoignages poignants de victimes du 6 août 1945. Puis dans ses Notes d'Okinawa (1970), il s'intéresse au sort tragique de ce petit archipel périphérique du Japon, qui ne sera rétrocédé par les États-Unis qu'en 1972.

Honni par les nationalistes japonais, Kenzaburō Ōe sera poursuivi en diffamation des décennies plus tard pour avoir rappelé dans cet essai que des civils avaient été poussés au suicide par des militaires japonais durant la bataille d'Okinawa en 1945. Il gagnera son procès au terme d'une longue procédure. Tout en écrivant de nombreux romans et nouvelles, il est critique littéraire, spécialiste de William Blake, Malcolm Lowry et Dante.


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