Opinion |  Les droits des femmes plus menacés que jamais en Afghanistan

  22 Septembre 2021    Lu: 1939
  Opinion |   Les droits des femmes plus menacés que jamais en Afghanistan Mustafa Najafizada/AP/SIPA

par Léa Masseguin

Où sont les femmes en Afghanistan ? Définitivement pas dans le gouvernement taliban. Malgré les promesses d’un exécutif «inclusif», les nouveaux maîtres de Kaboul ont finalisé ce mardi la formation de leur gouvernement… 100 % masculin. Un nouveau coup dur pour les droits des femmes, qui ne cessent d’être bafoués depuis l’arrivée au pouvoir des talibans, le 15 août. La communauté internationale a averti à plusieurs reprises que les fondamentalistes sunnites seront jugés sur le traitement des femmes et des filles.

Vendredi, déjà, les «étudiants en religion» avaient remplacé le ministère des Affaires féminines par celui de la Promotion de la vertu et de la prévention du vice, chargé de veiller au respect de la loi islamique dans l’espace public durant le premier règne taliban (1996-2001). A l’époque, la police religieuse «frappait publiquement les femmes» si leurs poignets, mains ou cheville étaient dévêtus, si elles ne portaient pas de chaussettes suffisamment opaques, ou si elles n’étaient pas accompagnées par des hommes. L’éducation des filles était interdite et les écarts de conduite pouvaient aboutir à des lapidations ou des exécutions. «Les talibans envoient un très mauvais signal ces dernières semaines. Ces nouvelles mesures laissent peu de doute sur le type de politique qu’ils vont mettre en place, contrairement à leur volonté de montrer une version réformée de leur mouvement», analyse Juliette Rousselot, chargée de programme sur l’Asie du Sud à la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).

«Progrès» en péril
Dans l’espace public, les Afghanes disparaissent peu à peu. Nombreuses sont celles qui ont cessé leurs activités pour éviter les violences et les représailles, dont certaines ont déjà fait les frais. La plupart des manifestations en faveur des droits des femmes «ont été réprimées par les talibans», alerte mardi un rapport conjoint d’Amnesty International, de la FIDH et de l’Organisation mondiale contre la torture. Début septembre, une centaine d’entre elles ont été dispersées à Kaboul par les forces spéciales, qui ont tiré en l’air et auraient tiré des gaz lacrymogènes. Les islamistes ont été accusés, le même jour, d’avoir assassiné une policière enceinte sous les yeux de sa famille à Firozkoh, capitale de la province de Ghor.

Autre signe de la vision radicale de l’islam imposée par les talibans : seuls les garçons ont été autorisés ce week-end à retourner au collège ou au lycée, bien que le porte-parole du gouvernement taliban, Zabihullah Mujahid, ait fait savoir ce mardi que les filles pourront retourner à l’école «aussi vite que possible». La fin de la mixité dans les universités a également été annoncée. A l’avenir, les étudiantes seront séparées des hommes par un rideau et devront se soumettre à des codes vestimentaires stricts. De quoi mettre en péril les «immenses progrès» accomplis en matière d’éducation depuis vingt ans, selon l’Unesco. Dimanche, les femmes employées par la municipalité de Kaboul ont reçu l’ordre de rester chez elles. Seules celles ne pouvant pas être remplacées par des hommes seront autorisées à retourner au travail. Des abus qui ont poussé des ONG à appeler le Conseil des droits de l’homme de l’ONU à établir un mécanisme d’enquête indépendant pour lutter contre l’impunité.

Frères et sœurs
Malgré la myriade de menaces qui pèsent sur leurs droits, les femmes continuent de manifester à travers le pays. L’interdiction par les nouveaux maîtres de Kaboul, le 8 septembre, des rassemblements n’a pas suffi à essouffler l’élan de mobilisation. Dimanche, des militantes se sont rassemblées devant l’ancien bâtiment du ministère des Affaires féminines pour dénoncer les discriminations à l’éducation et exiger plus d’inclusion au sein du gouvernement.

La solidarité s’exprime aussi sur les réseaux sociaux, où des citoyennes afghanes expriment leur désaccord avec les codes vestimentaires imposés par les talibans. A travers le hashtag #DoNotTouchMyClothes («Ne touchez pas à mes vêtements»), les Afghanes postent des photos d’elles vêtues d’habits traditionnels pour montrer «le vrai visage de l’Afghanistan». Plusieurs jeunes garçons ont eux aussi exprimé leur solidarité à l’égard des filles : «We will not go to school without our sisters» («Nous n’irons pas à l’école sans nos sœurs»).

Avec Libération


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