Mis en cause dans une enquête pour "dissémination de fausses informations" et affaibli politiquement, le président brésilien d'extrême droite Jair Bolsonaro a participé, mardi, à des manifestations de soutien à son gouvernement dans la capitale fédérale, Brasilia, et à Sao Paulo, la plus grande ville du Brésil.
Lors de deux discours enflammés prononcés à l'occasion de la fête de l'indépendance du pays, Bolsonaro a brandi la menace d'un coup d'État, affirmant même qu'il ne quitterait le pouvoir qu'à sa mort.
À Brasília, Bolsonaro a directement menacé le président de la Cour suprême, Luiz Fux.
"Soit le chef de ce pouvoir [le pouvoir judiciaire] recadre "son" [juge], soit il risque de faire face à ce que nous ne souhaitons pas", a-t-il déclaré, sans plus d'explications. Il faisait ainsi référence aux récentes décisions d'un autre juge de la Cour suprême, Alexandre de Moraes, contre des partisans du gouvernement, qui sont en détention ou font l'objet d'une enquête.
Luiz Fux devrait s'exprimer mercredi au sujet des déclarations de Bolsonaro.
Plus tard à Sao Paulo, Bolsonaro a déclaré qu'il ne respecterait plus les décisions de justice de De Moraes, ce qui est considéré comme anticonstitutionnel par les spécialistes du droit.
"Nous devons -- oui, car je parle en votre nom -- décider que tous les 'prisonniers politiques' soient libérés. Ce président n'obéira plus [aux décisions d'Alexandre de Moraes]. La patience de notre peuple est déjà à bout", a-t-il déclaré devant les milliers de personnes qui ont afflué sur l'avenue Paulista, lieu traditionnellement réservé aux manifestations à Sao Paulo.
Selon la police locale, quelque 125 000 personnes ont pris part aux manifestations de Sao Paulo, alors que les partisans de Bolsonaro en attendaient 2 millions. Beaucoup portaient des affiches dans lesquelles étaient décriés la Cour suprême et De Moraes.
À Brasilia, près de 200 000 personnes ont participé à la manifestation. Des rassemblements moins importants ont également eu lieu dans des villes comme Rio de Janeiro.
- ''Seul Dieu m’enlèvera d’ici''
"Soit le juge [De Moraes] rentre dans le rang, soit il devrait partir. On ne peut pas admettre qu'une seule personne, qu'un seul homme fasse obstacle à notre liberté", a déclaré Bolsonaro.
Les seules options qui s'offrent à lui, a-t-il estimé, sont d'être arrêté, tué ou de gagner les élections, ce qui semble peu probable selon les récents sondages d'opinion.
Il a toutefois poursuivi en affirmant qu'il ne sera "jamais" arrêté.
"[Je veux] dire à ceux qui veulent me rendre inéligible à Brasilia : seul Dieu m’enlèvera d’ici".
Déclarant qu'il convoquerait un conseil spécial, qui n’est convoqué que dans des situations extrêmes comme l'état de siège, Bolsonaro a suscité de vives critiques dans la sphère politique. Après les manifestations et ses menaces de coup d'État, le nombre de politiciens qui adhèrent désormais à l'idée de destituer le président a augmenté dans le pays. Selon les juristes, les menaces de Bolsonaro justifieraient cette destitution.
La crise institutionnelle actuelle provoquée par Bolsonaro a commencé lorsqu'il a déclaré que les élections de 2022 ne pourraient avoir lieu qu'avec le recours à des bulletins de vote imprimés, une proposition rejetée par le Congrès.
Bolsonaro a encore insisté sur ce sujet au cours de ses discours de mardi.
"Personne ne va nous dire que ce processus [de vote] est sûr et fiable, car il ne l'est pas", a-t-il déclaré. "Je ne peux pas participer à une farce comme celle-ci, parrainée par le président du Tribunal supérieur électoral".
Bolsonaro n'a cependant pas abordé dans ses discours les problèmes plus pressants du Brésil, tels que l'inflation galopante, la crise économique, le prix élevé du carburant, la pandémie de coronavirus et le nombre croissant de chômeurs et de personnes souffrant de la faim.
Avec environ 21 millions de personnes positives au coronavirus, le Brésil a déjà enregistré plus de 584 000 décès, alors que le rythme des vaccinations est encore considéré comme lent. Un peu plus de 31 % de la population est totalement immunisée, alors que la variante Delta du virus s'est répandue dans de nombreuses régions, alimentant les inquiétudes de la population.
AA