Il faut sauver la plus grande grotte du monde au Vietnam

  21 Janvier 2021    Lu: 516
Il faut sauver la plus grande grotte du monde au Vietnam AFP - NHAC NGUYEN

Ce dédale souterrain creusé et érodé depuis des millions d'années s'élève par endroits à 200 mètres de haut

Vietnam, 1991. Ho Khanh, un cueilleur du coin, découvre par hasard l'entrée d'une cavité, cachée dans le parc national de Phong Nha-Ke Bang, classé au patrimoine de l'Unesco. Il tente d'y revenir mais est incapable de retrouver l'orifice, dissimulé dans une épaisse jungle. Le site retombe alors dans l'oubli. Près de 20 ans après, une équipe de chercheurs britanniques repère de nouveau l'entrée et répertorie la grotte, avant de l'ouvrir en partie aux touristes.

Ce dédale souterrain creusé et érodé depuis des millions d'années s'élève par endroits à 200 mètres de haut. De quoi contenir un bloc d'immeubles new-yorkais avec des gratte-ciel de 40 étages. À l'intérieur, un tunnel de plus de 5 kilomètres, des stalagmites et des stalactites gigantesques et une barrière de calcite de 90 mètres de haut, surnommée la «Grande Muraille du Vietnam».

Dès lors, seule une agence de voyages, Oxalis, a été autorisée à la faire visiter. Une façon de limiter le nombre de visiteurs et ne pas reproduire les mêmes erreurs que dans la baie d'Ha Long ou sur les plages de Nha Trang, menacées par le tourisme de masse. Le précieux sésame pour pénétrer dans Son Doong a un prix : entre 50 € la visite et 2 500 € pour quatre jours d'exploration.

«J'ai dit aux jeunes qui font visiter la grotte que leur premier devoir était de protéger l'environnement afin que l'exploitation du site profite aussi à nos enfants», rapporte Ho Khanh, aujourd'hui âgé de 52 ans. Guides, porteurs ou propriétaires de petits logements pour les touristes : près de 500 locaux vivent aujourd'hui grâce à Son Doong et aux autres cavités gigantesques qu'abrite le parc national. Une aubaine dans cette région du centre du pays, reculée et particulièrement pauvre.

Céder aux sirènes des promoteurs
Autrefois, les jeunes pénétraient dans le parc national pour couper illégalement le précieux bois d'agar, utilisé dans la fabrication de l'encens. D'autres chassaient civettes et porcs-épics, des espèces en voie de disparition. «Nous étions toujours sous la menace des gardes forestiers (et) on ne faisait rien de bon pour la nature», raconte Ho Minh Phuc, un ancien coupeur de bois devenu porteur pour les groupes autorisés à explorer la grotte.

Mais les menaces qui pèsent sur le site restent grandes, comme le souligne l'Unesco dans un rapport de 2019. Un projet de téléphérique vers Son Doong a été abandonné, mais un autre pour se rendre à une grotte située à 3,5 kilomètres est toujours à l'étude. Cela provoquera «un changement radical dans la nature des offres touristiques proposées (...) et aura certainement des impacts irréversibles sur l'environnement en grande partie vierge» du site, averti l'Unesco.

La pandémie frappe de plein fouet le tourisme au Vietnam : le nombre de visiteurs étrangers a chuté de près de 80% en 2020 par rapport à 2019, année où le pays a accueilli 18 millions de visiteurs étrangers, un record. Les enjeux économiques sont tels que, dès la fin de la crise sanitaire, le Vietnam pourrait céder aux sirènes des promoteurs et développer des infrastructures autour des cavités du parc, mettent en garde les experts.

Les autorités ont mis en place «de très bonnes politiques de protection, mais souvent ils les ignorent» et n'en tiennent pas compte dans la réalité, relève Peter Burns, un consultant qui a travaillé sur un projet de tourisme durable au Vietnam. Pour le porteur Phuc, il est crucial que l'après pandémie n'entraîne pas Son Doong vers le tourisme de masse. «Cela serait terrible», cette merveille naturelle se réduira comme peau de chagrin en quelques années et notre moyen de subsistance disparaîtra, s'alarme-t-il.

Avec AFP


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