Azerbaïdjan/France : La partialité de la France est la cause de la profonde crise actuelle

  01 Décembre 2020    Lu: 434
  Azerbaïdjan/France : La partialité de la France est la cause de la profonde crise actuelle

L'ambassadeur d'Azerbaïdjan en France Rahman Mustafayev a évoqué dans son entretien accordé ce lundi à l'Agence Anadolu, la décision récente du Parlement azerbaïdjanais appelant à l'exclusion de la France du Groupe de Minsk, chargé de la médiation dans le conflit du Haut-Karabagh.

Azvision présente l'interview de l'ambassadeur dans son intégralité:

Monsieur l'Ambassadeur, le Milli Medjlis, le Parlement azerbaïdjanais a récemment adopté une résolution. Selon cette résolution, le Milli Medjlis appelle le gouvernement azerbaïdjanais à demander le retrait de la France de la coprésidence du Groupe de Minsk de l'OSCE. Quelles démarches attendez-vous prochainement du gouvernement français ?

Rahman Mustafayev: Il s'agit d'une décision mûrement réfléchie par le Parlement, qui reflète le climat de forte protestation qui règne dans la société azerbaïdjanaise contre la politique que mène la France aujourd'hui. Les députés de tous les partis politiques représentés au Parlement estiment que la France ne tient pas son rôle de médiateur équilibré et impartial, poursuivant une politique pro-arménienne dans ce conflit territorial. D'ailleurs, le Parlement a aussi invité le gouvernement à revoir en profondeur ses relations politiques et économiques avec la France.

Nous devons regarder les faits en face - nos relations traversent la crise la plus profonde depuis 1993. La guerre au Karabakh est terminée, mais une guerre médiatique et idéologique contre mon pays se poursuit en France. Les accusations de "panturquisme", de la soi-disant « utilisation de djihadistes », "Azerbaïdjan musulman contre Arménie chrétienne", etc. Pour être honnête, cela me fait mal de parler à propos d’un pays qui était l'un de nos principaux partenaires en Europe. Mais cela est la triste réalité.

Concernant les prochaines actions du gouvernement - cela dépend entièrement des actions futures de la partie française. On n'oblige pas Paris à mettre la clé sous la porte, on dit simplement qu'un médiateur doit être impartial et équilibré.

Le MEAE français a annoncé la non-reconnaissance de la "république autoproclamée de Haut-Karabagh". Quelle est la réaction de Bakou à cela ?

R.M. : Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une telle déclaration évasive. Il n'y a pas de « république autoproclamée de Haut-Karabagh » et, donc, nul besoin de « ne pas la reconnaître ». Permettez-moi de vous rappeler à cet égard la position exprimée par le conseiller diplomatique du Président, M. Hikmet Hajiyev : " Le Gouvernement de la France doit manifester sa position officielle d’inadmissibilité de telles démarches provocatrices et exprimer son soutien à l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan par le biais d’une déclaration condamnant cette résolution."

Mais quelle position attendez-vous de Paris ?

R.M. : Si la France se considère coprésidente, elle doit adhérer strictement au Mandat des coprésidents, mis en place le 23 mars 1995 dans le cadre de la présidence hongroise de l'OSCE et selon lequel « les co-présidents du Groupe de Minsk devraient être guidés dans leurs activités par la Charte de l’ONU, les décisions de l'OSCE et les dispositions des résolutions correspondantes du Conseil de Sécurité de l'ONU », adoptées en 1993 et demandant au respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et de l'inviolabilité des frontières de l'Azerbaïdjan.

Nous agissons strictement sur la ligne du droit international et nous appelons la France à en faire de même.

La France estime que l'Accord tripartite du 9 novembre ne résout pas tous les problèmes, en particulier la question du statut…

R.M. : Cette question a été résolue dans les résolutions correspondantes du Conseil de Sécurité des Nations Unies, qui confirment, qu'il s'agit de "la région du Haut-Karabagh de la République azerbaïdjanaise". De plus, non seulement elles confirment la souveraineté et l’intégrité territoriale de la République azerbaïdjanaise, mais elles demandent également au gouvernement arménien "d’user de son influence pour amener les Arméniens de la région du Haut-Karabagh de la République azerbaïdjanaise à appliquer les résolutions", adoptées en 1993 sur le conflit.

Paris revendique la nécessité de concilier les deux principes - celui de l'intégrité territoriale et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Quelle est votre position sur cette question?

R.M. : Nous ne pouvons pas accepter cette formulation. Il n'y a pas de contradiction et, par conséquent, il n'est pas nécessaire de concilier deux principes. Dans le système du droit international, tous les principes sont interconnectés et constituent un objet unique, c'est pourquoi on appelle cela un "système".

Ce n'est pas un menu de restaurant, lorsque vous pouvez commander à la carte entrée, plat, fromage ou dessert, ou tout ensemble. En droit international, "tous les plats sont principaux", les règles sont impliquées.

En relation avec ces deux principes, permettez-moi de vous rappeler que selon la résolution de l’Assemblée Générale de l'ONU du 24 octobre 1970 dite "Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies", le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes « ne doit pas autoriser ou encourager une action, quelle qu’elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou l’unité politique de tout État souverain et indépendant ». De même, selon la Déclaration, « tout État doit s’abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un autre État ou d’un autre pays ».

Une autre question importante soulevée par la partie française est la protection du patrimoine culturel et religieux du Haut-Karabagh...

R.M. : Nous sommes prêts à accepter la mission de l’UNESCO, qui devrait être convenue avec l’Azerbaïdjan en tant que pays hôte et se baser sur l’esprit et la lettre de la Convention de la Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé.

D'abord, il ne s’agit pas seulement du Haut-Karabakh, mais de l'ensemble des territoires d'Azerbaïdjan occupés de 1992 à novembre 2020.

Ensuite, selon la Convention, sont considérés comme biens culturels, les monuments d’architecture, d’art ou d’histoire, religieux ou laïques, les sites archéologiques, les ensembles de constructions, les œuvres d’art, les manuscrits, livres et autres objets d’intérêt artistique, historique ou archéologique, ainsi que les collections importantes de livres, d’archives, les musées, les bibliothèques, les dépôts d’archives. C'est-à-dire, nous ne parlons pas seulement d'églises et de mosquées, mais des biens culturels.

En outre, il s’agit d’évaluer d’abord les dommages causés par les forces armées arméniennes aux biens culturels de la République Azerbaïdjanaise au cours de ces 28 années d’occupation. À ce propos, les églises n'ont pas été endommagées, mais des dizaines mosquées ont été complètement ou partiellement détruites par les forces armées arméniennes, des musées et des bibliothèques ont été détruits et pillés, des expositions et des livres de valeur ont été transportés en Arménie.

Dans ce sujet, comme dans tous les aspects de la résolution du conflit, nous sommes complètement sur la ligne du droit international, en l'espèce, sur la ligne de la Convention de la Haye de 1954.

- Guerre de 44 jours

Un cessez-le-feu a été signé entre Bakou et Erevan dans la nuit du 9 au 10 novembre, suite à la guerre déclenchée par les forces arméniennes le 27 septembre, et s'étant conclue par la fin de l'occupation arménienne depuis environ 28 ans, de huit régions azerbaïdjanaises incluant le Haut-Karabagh.

Quatre résolutions du Conseil de Sécurité des Nations Unies (822, 853, 874 et 884) et deux résolutions de l'Assemblée générale de l'ONU, reconnaissent la souveraineté de la République d'Azerbaïdjan sur le territoire du Haut-Karabagh, cette souveraineté étant reconnue par la République Française également.


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