Irak: Ils racontent leur chemin vers le jihad

  30 Novembre 2016    Lu: 1261
Irak: Ils racontent leur chemin vers le jihad
Des soldats enrôlés par Daech et détenus dans une prison expliquent pourquoi ils sont devenus jihadistes.
Quand les peshmergas kurdes ont commencé à tirer des roquettes sur la maison dans laquelle il se cachait avec d`autres combattants de l`Etat islamique (EI) dans le nord de l`Irak, Walid Ismaïl dit avoir tenté de convaincre ses compagnons jihadistes de se rendre.

Certains lui ont répondu qu`ils préféraient se suicider avec une grenade. Un autre, un Tunisien, a fait exploser sa veste explosive en espérant tuer le plus possible d`assaillants. Au lieu de cela, il a décimé le petit groupe de jihadistes qui était à l`intérieur, tuant cinq d`entre eux et blessant les autres.

Walid Ismaïl, un ancien apprenti boulanger âgé de 20 ans, est le seul à avoir survécu. Lorsque les Kurdes ont commencé à abattre les blessés, il n`a eu la vie sauve que parce qu`il a crié qu`il ne portait pas de bombe.

Sur une vidéo visible en ligne, on le voit émerger, l`air terrifié et la main en sang, de la maison dans laquelle il était terré à Bachika, près de Mossoul.

Promesses et menaces

Aujourd`hui, Walid Ismaïl est détenu dans un complexe de haute sécurité à Erbil, au Kurdistan irakien. Il raconte aujourd`hui, avec un autre prisonnier de l`EI, comment le groupe sunnite extrémiste les a poussés sur le chemin du jihad en alternant promesses et menaces. Tous deux disent que la marginalisation de la communauté sunnite par le gouvernement de Bagdad dirigé par les chiites et par ses forces armées a eu un rôle déterminant.

Leurs témoignages, recueillis séparément et dont Reuters n`a pas pu vérifier l`authenticité, illustrent l`ampleur des divisions confessionnelles qui ont alimenté la deuxième grande insurrection sunnite depuis l`invasion américaine de l`Irak en 2003.

Quand Abou Bakr al-Baghdadi a proclamé d`une mosquée de Mossoul le «califat» sur les territoires contrôlés par l`EI en Irak et en Syrie, il y a deux ans, son appel a trouvé un large écho dans la communauté sunnite, assure Walid Ismaïl. «Je croyais en lui. On l`aimait parce qu`il nous a libérés de l`oppression chiite», raconte-t-il.

Lorsqu`ils se sont emparés de Mossoul pendant l`été 2014, les jihadistes ont promis aux habitants de la nourriture et de l`argent, mais aussi la sécurité.

Exactions contre les civils

L`autre prisonnier, Hazem Saleh, dit que ses trois frères avaient été maltraités par l`armée irakienne quelques mois avant l`entrée de l`EI dans la ville.

«C`étaient des paysans. Ils (les soldats irakiens) les ont détenus pendant un mois et demi. Ils les ont battus. Ils les ont suspendus par les pieds. Ils leur ont brisé les épaules», affirme-t-il.

Le gouvernement de Bagdad a toujours nié les accusations d`exactions contre les civils dont ses forces ont souvent fait l`objet, assurant ne combattre que les «terroristes».

Les deux prisonniers racontent que les motivations des jihadistes varient et que les combattants étrangers adhèrent à une vision radicale de l`islam bien plus fortement que les Irakiens, qui se rallient souvent à l`EI par opportunisme, pour toucher l`argent des enlèvements par exemple, ou parce qu`ils n`ont pas d`autre choix.

Walid Ismaïl dit avoir basculé quand la boulangerie, dans laquelle il travaillait, a fermé sous la pression de l`EI, qui a cessé de lui fournir du gaz, pour pouvoir continuer à subvenir aux besoins de ses six frères et soeurs.

Monter la garde

«Daech m`a offert 500`000 dinars (environ 430 francs) par mois pour porter une arme et monter la garde dans la rue», explique-t-il.

L`histoire que raconte Hazem Saleh, qui tenait un magasin, est assez similaire, puisque les jihadistes lui ont imposé des taxes exorbitantes avant de lui proposer un salaire généreux pour rejoindre leur cause.

«J`ai sept enfants, dont le plus jeune a deux ans. Il fallait bien qu`ils puissent vivre», soupire-t-il. «Il n`y avait plus de travail et une grande pauvreté. C`est cela qui a motivé de nombreuses recrues.»

Lui dit avoir cédé quand l`EI a menacé d`enrôler son fils de 14 ans à sa place. «Alors, j`ai dit adieu à ma famille et je suis parti», conclut-il.

Hazem Saleh, qui s`est aussi rendu aux peshmergas à Bachika, raconte que Daech lui a donné une tenue traditionnelle noire en guise d`uniforme et lui a demandé de rapporter toute activité suspecte, mais sans jamais lui permettre d`approcher les «zones stratégiques» dans lesquelles se cachent les dirigeants de l`organisation, qui vivent, selon lui, dans l`obsession permanente d`être capturés ou tués par une frappe aérienne.

Beaucoup de recrues jihadistes ont vite perdu leurs illusions, mais elles n`osaient critiquer leurs chefs de peur d`être jetés en prison, voire pire, dit-il encore.

Aujourd`hui, alors que la bataille de Mossoul fait rage et qu`ils sont sans nouvelles de leurs familles, les deux détenus font de nouveau face à un avenir incertain.

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